ARGOS - n. p.
(du grec ancien Ἄργος / Árgos et en latin Argus)
Dans la mythologie Grec, Argos est un géant aux cent yeux Surnommé Panoptès (Πανόπτης / Panóptês signifiant) « celui qui voit tout ». Fidèle de la déesse Héra, celle-ci le chargea de surveiller Io, la dernière maitresse de son mari Zeus, changée en vache. Mais ce dernier fit appel au rusé Hermès qui usa de son éloquence pour endormir le gardien avant de le décapiter.
ARGOS est une installation transmédia associant la sculpture classique à un dispositif de vidéo-surveillance. Composée de six tirages de la sculpture « Œil d’Argos I » perchés sur de grands trépieds noirs, ces têtes antiquisantes inspirées des piliers hermaïques campent la figure d’un dieu impassible aux yeux de verre animés. Où que vous alliez, ces caméras vous suivent du regard et diffusent en temps réel sur un moniteur de surveillance l’ensemble de ce que voit ARGOS.
L’idée de cette installation m’est venue d’une réflexion sur le processus par lequel naissent les dieux : une fonction profane devenant un concept ancré dans l’inconscient collectif grandit jusqu’à former un égrégore dont l’idole est un avatar sacralisé.
« Quod est inferius est sicut quod est superius; et quod est superius est sicut quod est inferius, ad perpetranda miracula rei unius. » – Tabula smaragdina Hermetis Trismegisti
Dans la Grèce antique, les automates de Héron d’Alexandrie ont créé une association d’idées durable dans l’inconscient collectif entre dieu et machine. Inventeur au Ier siècle ap. J.-C., ses machines destinées aux temples et théâtres pour illustrer l’intervention des Olympiens ont donné naissance à la maxime Deus Ex Machina (Ἀπὸ μηχανῆς θεός ou « Dieu sorti de la machine »). Cette analogie a traversé le temps dans le monde du spectacle et de la prestidigitation jusqu’à se retrouver aujourd’hui dans la science-fiction où la technologie est si avancée qu’elle en devient abstraite, omnipotente et remplace le rôle narratif de la magie.
Ainsi, en ramassant la tête du géant et en remplaçant ses yeux morts par des caméras, j’ai réactivé cette idole antique et créer un pont avec notre fantaisie contemporaine : vidéo-surveillance omniprésente, I.A., robot, transhumanisme et quête de l’Homo Deus. Mais ce lien est à double sens et, s’il questionne notre époque, il pose également des questions sur notre rapport au passé et à la ruine.