MONUMENT - n. m.
(latin monumentum, de monere, faire se souvenir)
Ouvrage d’architecture, de sculpture, ou inscription destinée à perpétuer la mémoire d’individus, groupes ou d’événements remarquable. Synonyme : mémorial
En 2019, lors de ma première année d’étude en art, j’ai exposé au musée des Beaux-Arts de Tours un monolithe noir. En lieu et place d’une légende claire, ce monument aux vaincus était recouvert d’une multitude d’inscriptions gravées se révélant en accrochant la lumière à sa surface, sans pour autant dévoiler aisément leur sens.
À l’occasion de l’exposition « Monument A » proposée par le musée des Beaux-Arts de Tours en prolongement de « Monumental Balzac », j’ai pris le parti de m’intéresser à la fonction du monument : marquer le temps et façonner la réalité par le récit. Conçu comme une pierre de Rosette compilant un corpus exhaustif de noms de souverains, de batailles et d’exactions, de dates de conflits, de citations et incrusté de pièces d’argent, ce monument vise à faire exister les vaincus anonymes par leur absence. Bien qu’il puisse sembler moralisateur au premier abord, cette œuvre est en réalité plus ambiguë : une lecture plus approfondie conduit à nuancer le culte des martyrs en y incluant les conquérants vaincus et les vaincus revanchards, concluant ainsi que le véritable vaincu n’est pas celui qui perd un conflit, mais celui qui perd le contrôle du récit.
En réalité, il est question ici de l’entropie des récits successifs car, in fine, conquérants et conquis, tous les narrateurs sont vaincus et voués à l’oubli. Ainsi, derrière cette vanité civilisationnelle se cache une volonté impossible de cartographier et de sauvegarder l’ensemble du récit humain, menant inévitablement à un socle muet.